INTEGRALITE DE L'INTERWIEW ACCORDEE PAR M. LANCINO A LA REVUE DES ARTS MARTIAUX



 Huitième dan ,1 m 95, il a formé plus de 350 ceintures noires et Professeurs dont des champions de France et d'Europe.
Il est l'auteur de plusieurs ouvrages à l'intention des pratiquants et des professeurs de Karaté Do, ouvrages qui constituent encore aujourd'hui une référence.
A bientôt 85 ans, Maitre Lancino a continue à aller de l'avant et à nourrir des projets.
Il dirige notamment des stages en France et dans le monde entier 
 Dernièrement, il s'est construit un dojo chez lui, dans les Ardennes, pour son entraînement personnel mais  aussi à destination d'élèves qui en font la demande.
Il débute le judo en 1957, en étudiant conjointement le ju-jitsu, la boxe française et la savate. Il devient ceinture noire de karaté en 1966 à Antibes.
Il est nommé vice-président et membre directeur de la FFKaraté.
 Puis il devient arbitre et juge mondial, ce qui lui offre l'opportunité de voyager dans tous les pays.
Jamais avare de souvenirs et d'anecdotes sur son parcours, il a eu plusieurs vies: électricien, judoka, musicien, karatéka, détective privé, garde du corps, médaillé et diplômé par le GIGN, lanceur de couteau, apiculteur,...
 C'est ce parcours riche et inspirant, que nous allons évoquer avec lui.
Par sa carrure Marcel Lancino n'est pas sans rappeler l'acteur américain John Wayne. Nous pourrions d'ailleurs emprunter à sa filmographie ce titre évocateur : 
                      ''LE DERNIER DES GÉANTS.''
 
 
 Après plus de 60 ans passés dans les arts martiaux, votre karaté a-t-il changé ?
 Vous dites ne plus vouloir vous encombrer de fioritures dans les mouvements (gedan baraï armée à l'oreille, kakuto  pour blocage, ...etc.), vous modifiez votre enseignement?
 
Oh la la, c’est très compliqué à expliquer. Mais je vais essayer : MON Karaté n’a pas changé c’est toujours celui que j’ai travaillé avec les plus grands Maitre Japonais. Mais celui que j’enseigne est obligatoirement différent.
 J’ai eu la chance (Mais je l’ai provoquée notamment en allant au Japon) de travailler avec les plus grands Maitres japonais. J’y ai travaillé un Karaté d’efficacité. En fait LE VERITABLE KARATE.  Ne pas oublier que la devise du Karaté était ‘’Tuer ou être tué’’ Cette forme de Karaté ne peut pas être enseignée en club, ne peut pas être enseignée dans un gymnase, à tous. Au Japon, j’ai eu le privilège, grâce à Maitre KASE, de pratiquer au dojo de la fameuse JKA. La véritable JKA, où ont été formés des Maitres tels Enoeda, Shirai, Ochi, Miyazaki, Kanazawa, Nishiyama, dont l’instructeur en chef était Maitre KASE et le grand patron Nakayama.
Nous y pratiquions un karaté sans aucun contrôle dans les attaques. Il fallait simplement veiller à ne pas blesser dans les contre attaques, par un  ‘Contact contrôlé’
On savait que si l’on ne bloquait pas l’attaque, c’était le pépin. Mais c’était la règle.
Mais, en France notamment, Lorsque vous enseignez en club, c’est différent.  Et Si les élèves envisagent en plus de se présenter un jour à l’examen de ceinture noire de la  fédération,  (Ce qui n’est plus obligatoire depuis le jugement du 3 novembre 2009 puisque depuis cette date elle n’a plus l’exclusivité de la délivrance de grades) vous êtes alors tenu par un carcan qui est le programme du passage de ceinture noire de cette fédération de karaté sportif.
 Vous devez donc en enseigner tous les exercices et techniques qui peuvent être demandées lors d’un passage de grades. Même ceux auxquels vous ne croyez pas du tout.
Votre élève ne vous pardonnerait pas de se faire recaler au passage de ceinture noire à cause d’exercices ou de techniques que vous ne lui avez pas enseignés.
Pourtant….Avez-vous déjà vu en combat, une personne bloquer un coup de poing par Age Uke ?  Avez-vous déjà vu en combat une personne bloquer un coup de ^poing par un beau shuto Uké et en plus en Ko kutsu ou neko ashi ?   Avez-vous déjà vu en combat une personne bloquer un coup de poing par Uchi Uké ?  ou bloquer un coup de pied par Nami ashi ? etc.etc...  Bien sur que non.  Pourtant si vous voulez que vos élèves ne se fassent pas rebouler par les  ‘’experts’’ des passages de grades fédéraux, et bien vous êtes obligé de leur enseigner toutes ces techniques bidons qui ne servent absolument à rien , inefficaces et inapplicables.  Que de temps perdu.
C’est pourquoi lors des passages de ceintures noires organisés par le Cercle National des Ceintures Noires de Karaté, (créé en 1976) le programme est plus réaliste.  Les candidats sont jugés sur leur efficacité que ce soit en technique, en jiu ippon kumité ou en application de self défense. En plus de l’examen traditionnel, et Selon le grade présenté ils doivent démontrer connaitre certains kuatsus, connaitre la législation sur la légitime défense, suivi d’un entretien avec le jury. Plus 3 mn de jyu kumité afin de démontrer leur efficacité en combat. Pas d’arbitre évidemment car il ne s’agit pas d’un sport. 
Personnellement, Lors des stages, je n’enseigne qu’un Karaté apuré et réaliste.  Sur un article de presse (qui est sur mon site) suite à l’un de mes stages, un journaliste s’en étonne.
« Il y a très peu d’hommes au monde à un tel niveau dans cet art martial »
Pédagogue hors pair, il sut faire profiter de son immense expérience du karaté et de son enseignement à tous les participants, enthousiasmés par une réelle authenticité de cet art, trop souvent oublié dans les clubs modernes.
Il a montré un karaté authentique d'une redoutable efficacité, subjuguant les participants par son Karaté réaliste et sans fioritures : le karaté de survie, celui qui peut être pratiqué par tous et à tout âge, basé exclusivement sur le côté martial.
 
 

 
 vous voudriez également comme à vos débuts y ajouter l’apprentissage des kuatsus et seifukus ?
 
J’enseigne toujours les kuatsus à mes ceintures noires, et lors des stages il m’est souvent demandé d’enseigner un ou deux kuatsus.  Certains enseignants ont eu à plusieurs reprises l’occasion de les appliquer. Personnellement en 60 ans de pratique,  j’ai eu deux fois l’occasion de remettre un cœur en route, lors  d’arrêt cardiaque en plein cours, avec kuatsu tsubo qui est mon kuatsu favori.  Je viens d’ailleurs d’écrire un livre, avec une centaine de photos  sur ce que j’appelle les kuatsus de Dojo.  
Mais J’ai abandonné depuis longtemps les seifuku que nous appliquions autrefois en judo, forme de reboutage sportif  et qui consiste à remettre en place une articulation déboitée. Ce qui arrivait quelquefois en judo. 
Car si un arrêt cardiaque nécessite une intervention immédiate, Dans le cas d’une épaule ou un coude déboité, il est préférable de confier le blessé aux professionnels.
 

 
 Lors de vos premiers pas en judo, vous avez rencontré les judokas Anton Guesink,  Pariset et Courtine ?
 
Oui. Lorsque j’ai passé mon 1er Dan de Judo, il y avait à l’époque un grand stage de judo qui se déroulait tous les étés à Beauvallon. Avec l’équipe de France de Judo, mais aussi Courtine, Pariset et surtout le hollandais Anton Guesing. 1m98 et un peu plus de 130Kg. Champion olympique et premier étranger à battre les japonais. 
En finale contre Soné, alors qu’il le tenait en immobilisation il s’est permis le luxe de le lâcher d’une main afin de faire signe aux spectateurs de reculer. (Ils  commençaient à envahir le tatami.)
C’était vraiment un grand Monsieur du judo.
Un jour en stage, j’ai parié que j’arriverais à l’emmener au sol. (J’étais excusable, j’avais 25 ans) Je suis allé le saluer et nous avons commencé à nous déplacer.  A plusieurs reprise, j’étais sur de moi et  j’ai tenté la projection. Chaque fois je me suis retrouvé sur le dos. Et cela pratiquement sans utiliser la force. Tout en technique.  C’était impressionnant.
 

 

 Vous pratiquez le tir au revolver et le  lancer de couteaux, ces disciplines sont-elles pour vous, un prolongement de votre pratique Martiale ?
 
Je pratique le tir depuis plus de quarante ans. Cela s’apparente tout à fait à mes autres pratiques. Et puis vous savez, on parle toujours de pratiques martiales,  Mars Dieu de la guerre. Qu’y a-t-il de plus martial qu’une arme à feu ?  Quant au lancer de couteau, ça a toujours été mon dada. Je ne peu pas voir un couteau sans le prendre en main, le soupeser.  Il y a deux ans, j’ai participé au championnat de France de lancer de couteaux sur cible qui se déroulait au Man et j’y ai fait la connaissance de Pierre CAZOULAT, cinq fois champion du Monde de lancer. Un vrai Dieu du couteau.
Mais vous savez, le lancer de couteau ce n’est jamais qu’un jeu de fléchettes dans lequel on a remplacé les fléchettes par des couteaux.
 

 
 karaté jutsu, Karaté Contact, karaté Mix, shotokan, wado ryu, Shorin ryu,... Y a-t-il plusieurs karatés ou un seul selon vous ?
 
Il n’y a évidemment qu’un seul Karaté. Après, il peut y avoir plusieurs façon de l’appliquer et notamment selon la morphologie du pratiquant.
Le problème est que le nom KARATE est mis à toutes les sauces.  Ils on créé le Karaté jutsu, le Karaté défense, Le Karaté contact, le Karaté semi contact, le  Karaté mixte, Le body karaté, le handi Karaté, le mini Karaté, le Karaté artistique, le Karaté interne et maintenant le Karaté full contact.  Ben oui, ça fait des licences.  Et ma liste n’est certainement pas à jour.
Dans ces conditions, comment s’étonner que dans une grande majorité de clubs il n’est plus pratiqué qu’une pâle imitation de Karaté  Comment voulez-vous que le Karaté soit pris au sérieux ?  Et on voudrait qu’il soit aux jeux olympiques… Combien de pseudo instructeurs ont été formés au véritable Karaté ?...
 

 
 Avec le karaté sportif s'éloigne t'on de la véritable efficacité martiale, le Kakuto Bugeï (art de guerre)?
 
Le  ‘’karaté sportif’’ est un très beau sport. Mais c’est un sport.  Avec ses règles et ses interdits.  On est donc loin de l’art Martial. D’ailleurs la fédération française dépend du Ministère des sports.
 C’est un sport de combat dans lequel on utilise quelques techniques du KARATE.  
Je disais que c’est un très beau sport. Mais qu’est ce qu’un sport ?
Selon le dictionnaire de l’académie française
Étymologie : XIXe siècle. Mot anglais, signifiant  « amusement, distraction », puis « exercice physique en plein air ; compétition athlétique », emprunté de l’ancien français desport, « plaisir, divertissement », déverbal de (se) desporter, « se divertir, se détendre ».
On est donc bien loin de l’art Martial, de l’art de guerre Kakuto Bugeï  dans lequel il n’y a ni règles ni arbitre ;   Pour moi, le ‘’karaté sportif’’ ne nuit pas au véritable Karaté.  C’est tout simplement autre chose.   Et encore une fois c’est un beau sport.
Si le sport, que ce soit le Karaté sportif ou autre peut être pratiqué par tout un chacun,  Au Japon, la  pratique du véritable karaté traditionnel a toujours été réservé à une élite.


 

 vous avez fait vous aussi de la compétition, par exemple à Tokyo en 1973 lors des championnats du Monde shotokan où les règles étaient en Ippon Shobu?
 
Bien qu’ayant formé des compétiteurs, notamment champions de France en équipe et en individuels, une championne d’Europe et plusieurs sélections en championnats d’Europe et du Monde, je n’ai personnellement jamais été très tenté par le karaté sportif.
Pourtant lorsque le Maitre KASE m’a demandé d’être le capitaine d’équipe pour aller disputer les championnats du Monde Shotokan à Tokyo, je ne me voyais pas lui refuser.  J’étais alors deuxième Dan.
Je me suis donc retrouvé dans l’arène du Budokan à Tokyo, le temple des arts Martiaux.  Je dois dire qu’à cette époque, les règles d’arbitrage étaient assez simples. Ippon Shobu. Mais le Ippon shobu à la japonaise : Un ippon ou deux waza ari.  KO autorisé, y compris contact au visage mais sans blessure. On avait des petits gans en tissu.  Si ça saignait, c’était l’arbitre qui décidait si on continuait ou pas.
Tombant directement sur l’équipe du japon, j’ai été très content de sauver l’honneur de l’équipe en marquant deux waza ari par maé géri sur IDA qui était capitaine de l’équipe japonaise, cinquième Dan.
Par la suite, le taé kwon do étant encore à la fffkama, le Président DELCOURT m’a demandé de participer au championnat du Monde de Taé kwon do à Taïwan car il n’y avait pas de lourd dans l’équipe. J’ai du apprendre leurs règles d’arbitrage dans l’avion.
Mais les réflexes sont les réflexes. J’ai placé 3 fois kizami tsuki jodan, ce qui est interdit, puis j’ai balayé. Je me suis fait engueuler en coréen par l’arbitre mais je n’y comprenais rien.   Il a appelé Jacques DUGUET le secrétaire général de la fédération, qui m’accompagnait en disant  «  Lui pas Tee kwon do, Lui Karaté. »  et DUGUET répondait  « NON ! Lui pas Karaté, Lui Taé qwon do ».  Enfin j’ai été disqualifié pour pénalités.
 

 

 Maitre Eneoda, Kanazawa, Shirai, Kasé et tant d'autres? Quels sont ceux qui vous ont le plus marqué ou impressionné ?
 
Oh ils étaient tous assez impressionnants, Avec une fâcheuse habitude, d’oublier souvent de contrôler.  Ils avaient un Karaté très dur, mais c’était tout simplement le vrai Karaté.  
En cours avec eux, on savait que si l’on ratait un blocage ou une esquive, c’était la blessure assurée.
Je me souviens d’une anecdote, lorsque j’ai passé mon deuxième Dan. L’examen se déroulait à Paris, dans le dojo de Maitre Henry Pèle rue de la montagne sainte Geneviève. La commission était composée des Maitres KASE, ENOEDA et PLEE. Nous étions cinq candidats. A la fin de l’examen, ENOEDA est allé saluer l’un des candidats et lui a fait faire les quatre murs du dojo à coup de mawachi, de maé géri et de gyaku.  On se demandait bien ce qui se passait, l’autre était complètement sonné par terre.  Maitre PLEE nous a expliqué qu’ENOEDA avait mis une volée au candidat au motif qu’il jugeait qu’il ne connaissait pas son programme.  C’était sans doute de la pédagogie japonaise.

 


 Celui dont vous avez été le plus proche était maître Kasé? 
 
Oui. J’étais très proche de Maitre KASE, et pour plein de raisons.
Le premier contact que j’ai eu avec lui était lors de son premier stage d’été sur la plage de Fréjus.  Je venais de passer ma ceinture noire. C’était la première fois que l’on voyait ce Maitre japonais. Et c’est la que j’ai découvert le véritable Karaté. Il faut dire qu’à l’époque le karaté que l’on pratiquait s’apparentait plutôt à de la boxe française en kimono. 
J’ai été tellement impressionné qu’après le cours je suis allé acheter une ceinture blanche et j’ai terminé la semaine de stage avec une ceinture blanche.
Le dernier jour du stage, Maitre KASE est venu me voir accompagné de PLEE car il ne parlait alors pas français et à peine Anglais,  PLEE me dit
-Le Maitre demande pourquoi tu as terminé le stage avec une ceinture blanche
-Parce que si c’est cela le vrai Karaté, je ne suis pas ceinture noire.
Le Maitre KASE m’a regardé et m’a dit   « Please black belt »
Ensuite je l’ai fait venir en stage à Reims, puis il m’a aménagé une chambre chez lui à Vanves afin de me permettre de venir prendre des cours particuliers.
Le lundi soir je donnais un cours à Soissons, puis j’allais directement à Vanves dormir dans ma chambre et le mardi matin, Madame KASE venait gentiment me réveiller avec un café et j’avais un cours particulier avec le Maitre.. Quelquefois Kenji TOKITSU y venait également.
Ensuite je suis allé en stage avec lui aux Antilles puis au Japon où j’ai pu m’entrainer avec plusieurs grands maitres de ses amis. J’ai passé mon 3ème et mon 4ème Dan au japon et j’ai pu y suivre une formation  en kuatsu, d’où je suis sorti avec un diplôme de thérapeute en kuatsu  Maitre KASE et sa femme étaient des gens d’une grande gentillesse.
On est venu m’annoncer son décès en plein cours, alors que je dirigeais un stage à Cuba.
J’ai du interrompre  le cours quelques instants et j’ai eu beaucoup de mal à terminer le stage.
Maintenant, beaucoup d’ enseignants se réclament de l’enseignement du Maitre. Il est regrettable que je ne les aie pas vus plus souvent à ses cours.
Maitre KASE, qui avait été l’élève direct de Gichin FUNAKOSHI était considéré comme étant le plus grand expert Mondial.
Le 9 novembre 2016,  j’ai été invité par Madame KASE, l’épouse de Maître KASE  et ses filles Sachiko et Yumiko, à célébrer en leur appartement une cérémonie funéraire très importante chez les bouddhistes, appelée HOJI en mémoire du Maitre,
Il y avait une quinzaine de personnes, et j’y étais invité en qualité d’ancien élève du Maître. Ce qui est un grand honneur.
Sur mon site, il y a la photo avec Madame KASE (Avec son autorisation) devant le poster du Maitre.
 


  Évoquons Maître Henry Plée ,le pionnier du karaté européen, et ses fameux stages d'été dans le sud de la France.
 
Maitre PLEE était aussi un homme très simple d’une grande gentillesse, mais j’explique souvent que dans toutes les disciplines, dans tous les métiers, dans tous les domaines, les vrais grands, les vrais Maitres sont toujours des gens simples, des gens abordables, des gens qui ne demandent qu’à rendre service et à transmettre.
J’ai fait sa connaissance lors du premier stage international pour Professeurs qu’il organisait  l’été sur la plage de Fréjus. 
Par la suite je suis allé en cours dans son dojo à Paris, 34 rue de la montagne sainte Geneviève. 
Le Karaté Français doit beaucoup à Henry PLEE. C’est lui qui a fait venir du Japon  les Maitres Japonais comme Oshima, puis Nanbu, avant de faire venir le Maitre KASE
.
 Nanbu n’était pas à proprement parler un Maitre, il venait de gagner le championnat universitaire au Japon.  D’ailleurs en  arrivant en France,  il a participé et gagné la coupe de France en battant Barroux en finale. 
Il a toujours été un peu farfelu, créant sa méthode, le Nanbudo, faisant des cours avec un kimono doré,  Le clou étant son mariage à Paris avec une suédoise.  Toute la famille de la fille avait fait le déplacement, mais lui avait changé d’avis et ne s’est pas présenté. 
 
Maitre PLEE organisait des stages d’été à Saint Raphaël avec le Maitre KASE, mais aussi des stages d’hiver d’une semaine entre Noël et le jour de l’an. 
Lors d’un de ces stages d’hiver, ayant appris que je couchais dans un vieux fourgon que j’avais stationné dans le rue, n’ayant alors pas les moyens d’aller à l’hôtel, il m’a ouvert le Dojo de l’AFAM (Académie Française d’Arts Martiaux) et j’ai pu  finir la semaine de stage en dormant sur les tatamis dans le Dojo qui était chauffé.
 

 

 vous souvenez-vous de votre premier contact avec le karaté et de vos premiers professeurs ? L'ambiance des cours ?
 
Oh oui. Mon premier contact avec le Karaté s’est déroulé à Antibes en 1964. 
Dans les années soixante, on entendait beaucoup parler de Karaté, mais seuls quelques privilégiés parisiens avaient accès à cette  ‘’Discipline de tueurs’’  dont l’axiome était ‘’Tuer ou être tué’’
Lors d’un stage de judo à Beauvallon, j’ai appris qu’un cours de Karaté avait lieu le soir sur la plage d’Antibes.  Je m’y suis rendu.  Et là, j’ai été subjugué par cette discipline où l’on utilisait les pieds, les poings, les coudes, genoux et même étranglements et clés.
Le Professeur s’appelait Guy CHASSANY. Un homme formidable.  Nous avions beaucoup de points communs. Il avait aussi pratiqué le judo et le jiu jitsu. Il pratiquait également le tir au CTPN avec son ami Raymond SASIAS, garde du corps du Général De GAULLE. 
Il donnait des cours de judo et karaté sur le SHANGRI LE, le porte avion américain qui était basé sur la rade d’Antibes.
Il est devenu mon Professeur. C’est avec lui que j’ai appris les bases du Karaté. Enfin, le Karaté que l’on pratiquait à l’époque.
Par la suite,  lorsque j’ai passé ma ceinture noire, il venait à Reims avec sa vieille aronde m’aider à promouvoir le Karaté dans la région.

 


 Avec l'influence grandissante du MMA (arts martiaux mixte) et des combats en cage, reste-t-il une place pour les hommes en kimono blanc et le Do (la voie ) du karaté?
 
Encore une fois, on ne parle pas de la même chose.
Et cela ne nuit pas du tout aux autres sports de combat et Arts Martiaux. Je pars du principe que chacun fait ce qu’il veut et pratique  le sport qui lui convient. Le sport qui convient à sa mentalité.
Mais ce que j’en ai vu, tabasser un adversaire au sol à coups de pieds et de poings  n’entre pas dans ma conception du sport. 
Je viens justement de vous parler de la définition du mot sport qui est :  Amusement, distraction, plaisir. Quel plaisir de se faire tabasser.  Mais chacun prend son plaisir où il veut et pratique le sport qui lui convient.
Quant aux combats en cage, il y a bien longtemps que ça existe. Nos anciens qui aimaient beaucoup s’amuser avec les animaux y mettaient également un lion car ce sont des animaux qui aiment aussi beaucoup s’amuser.

 
 

 Les fédérations ont-elles un rôle important dans l'extension et le rayonnement du karaté, vous qui avez été vice-président de la première fédération française de karaté et boxe libre?
 
Les fédérations, vous me parlez de la fédération de karaté a une mission de service public. 
Elle dépend du Ministère des sports. Elle a en charge le développement du karaté sportif.
Elle a notamment pour mission d’organiser les championnats et de sélectionner les  athlètes qui représenteront la France lors des championnats d’Europe et du Monde.
Il faut savoir que jusqu’au 3 novembre 2009 elle avait l’exclusivité de la délivrance des grades.
Oui, elle a joué un rôle important pour le rayonnement du karaté sportif, surtout sous la Présidence de Jacques DELCOURT avec qui nous avons créé la fédération française de Karaté, appelée FFKAMA et qui fut à la fois Président de la fédération Française, Président de la fédération Européenne et chairman de la WUKO. (WORLD UNION KARATE ORGANISATION)   Contrairement à d’autres, le Président DELCOURT n’a jamais eu de problème de détournement de fonds ou d’abus de biens sociaux.
Quand nous avons créé la fédération Française de Karaté en 1975, dans l’arrière salle d’un bar parisien, nous étions une quinzaine de responsables régionaux avec Jacques DELCOURT, a qui nous avons donné tous pouvoirs pour déposer les statuts de la fédération française de Karaté que nous venions de créer.
Sous la Présidence de Jaques DELCOURT, la fédération a dépassé les deux cents mille licenciés, uniquement en Karaté.
Sous le nom de fédération française de Karaté, Elle regroupe maintenant tout un tas de ‘trucs’ qui n’ont plus aucun rapport avec le Karaté.

 

 
 Sujet récurrent : l'efficacité.
 Par votre expérience dans plusieurs ''affrontements '' avec des personnes mal intentionnées,  avez-vous pu juger de l'efficacité d'un mae geri ou d'un Gyaku zuki ? Voire du  nunchaku ?
 
Oui. J’ai eu quatre affaires sérieuses parmi d’autres, au cours desquelles j’ai pu juger de l’efficacité de mes techniques.
 Cela va d’une intervention lors d’altercation,  puis à ma rencontre surprise avec deux cambrioleurs qui étaient sortis de prison le matin , à mon interception sur la nationale 7 en bloquant un automobiliste dingue alors que je descendais à Saint Raphaël avec mes élèves, suivre le stage de Maitre KASE,  et à mon  intervention lors d’une agression contre un automobiliste.
Les quatre fois, je me suis retrouvé devant un couteau. 
Sauf  lors de ma rencontre surprise avec les cambrioleurs, l’un d’eux m’ayant chargé avec un tournevis.
Toutes ces affaires ont été relatées dans la presse. Trois se sont terminées devant un tribunal car j’avais un peu massacré les deux cambrioleurs qui ont du être transportés à l’hôpital,  Une ambulance était également venue ramasser au bord de la route l’automobiliste dingue qui m’avait sorti un cran d’arrêt,  tandis que l’un des agresseurs de l’automobiliste qui Le couteau à la main m’avait gentiment déclaré « Toi le grand je vais te lamer la panse » s’était retrouvé à l’hôpital avec une fracture du temporal.
J’ai été relaxé à chaque fois, et avec les félicitations du tribunal pour la dernière affaire, pour être intervenu lors d’une agression.
Oui. J’ai pu juger de l’efficacité de mes techniques.

 

 Juge et arbitre mondial en karaté et kata, ces expériences ont-elles constitué des bons souvenirs pour vous ?
 
J’avais décidé qu’un Professeur de Karaté digne de ce nom devait tout connaitre du Karaté.
J’avais travaillé avec les plus grands Maitres japonais, j’étais alors cinquième Dan, diplômé d’Etat, diplômé du Japon, j’avais gouté à la compétition à haut niveau, j’étais membre de la commission Nationale des grades de la fédération, il me manquait l’arbitrage. Alors je me suis mis à l’arbitrage. Je suis passé Arbitre National à Paris, Arbitre Européen à Helsinki et Arbitre Mondial à Tokyo. Et nommé membre de la commission Nationale d’arbitrage.
Bon…L’arbitrage ce n’est pas très passionnant.  D’autant que lors d’une compétition, avec les règles qui sont appliquées maintenant, pour celui qui  gagne, c’est normal il était le plus fort et  pour celui qui perd, c’est la faute aux arbitres qui n’ont rien vu.
Mais cela m’a fait voyager dans beaucoup de pays du Monde. 
Pour la petite histoire, j’ai régulièrement  ‘oublié’ de rendre les porte- clés des hôtels où je séjournais. 
Ce qui fait que j’ai  certainement la plus belle collection d’une cinquantaine de porte-clés d’hôtel, de chine, du Japon, Hong Kong, Taiwan, états unis, Hongrie, Finlande etc..dont la plus belle pièce est le porte-clés de la chambre que j’ai occupé sur le Quen Mary, ce superbe paquebot  basé dans la baie de Long Beach.
Et comme il faut bien s’amuser, Cela m’a aussi donné l’occasion de faire  certaines farces aux occupants des hôtels où nous passions.  Je  repérais les portes de chambres sur lesquelles l’occupant avait mis le panneau  DONT DISTURB  pour le retourner et y demander un réveil à 5h avec café et œufs au bacon.  Heureusement il n’y avait pas de caméra. 

 


 Votre carrière vous a permis aussi de faire de la protection rapprochée, dont celle de
Jacques Chirac ?
 
Oui, mais cela n’était pas prévu au programme.
Le Président DELCOURT, au motif que j’allais souvent au Japon, m’avait chargé  d’accompagner une délégation japonaise à une réception à l’hôtel de ville de Paris.
Jacques CHIRAC, Maire de Paris, était alors candidat à la Présidence de la République.
Jacques CHIRAC était très instruit de la culture japonaise et féru d’arts Martiaux notamment de sumo.  Nous avions alors tout naturellement parlé arts Martiaux et Karaté.
Lui ayant dit que j’avais écrit des livres sur le karaté, il m’avait demandé de les lui faire parvenir. Ce que j’avais fait.
Quelques temps plus tard  j’apprenais par le député Maire de Reims que Jacques CHIRAC souhaitait que j’assure sa protection rapprochée lors de ses déplacements. 
Si j’étais d’accord, je devais contacter son secrétariat dont il avait donné le numéro de téléphone, et Jean Claude LOMONT son chauffeur viendrait me chercher afin de convenir des conditions.
Ainsi fut fait.
C’est tout simplement comme cela, et alors qu’il était toujours accompagné d’inspecteurs des V.O, que j’ai été amené à assurer la protection rapprochée du futur Président de la République pendant sa campagne et au début de sa Présidence.
Tenu à une certaine discrétion, je n’ai pas grand-chose à en dire, mais lors de déplacements, j’ai pu assister à tous ces grenouillages de tous ces politicards véreux qui sont prêts à toutes les flagorneries dans l’espoir de peut-être obtenir un portefeuille ou un poste quelconque. Mais le Président n’était pas dupe et les voyait venir de loin.  « Vous voyez Monsieur LANCINO, si je leur demandais ils me lécheraient les panards »
 

 
 A l'occasion d'une discussion conviviale au restaurant entre professeurs d'arts martiaux et de sports de combat, le sujet des fabulateurs, et mythomanes dans le milieu a été évoqué. En avez-vous  aussi rencontré?
   
S’il y a un Monde où pullulent les mythomanes et fabulateurs de tout poil, c’est bien le Monde des arts Martiaux ou simili arts Martiaux
Je suis effaré de la prétention de ces mythomanes, de ces malades.
Ils sont pour la plupart inconnus du Monde des arts Martiaux, mais se donnent des titres et des grades.
 Et ils se disent bien évidement tous, entraineur de la police de la gendarmerie des services spéciaux etc.…. Pauvres malades !
Leurs vidéos truquées pullulent sur You tube
Et ils dirigent des stages devant des gogos ébahis.   Prennent l’un d’entre eux, (qui n’a pas le droit de bouger) et lui mettent des coups de pied ou de poing pour faire voir ou plutôt faire croire qu’ils sont forts.  De plus ils sont hilares de leur bêtise grasse devant la caméra.
Ils conseillent et expliquent  ‘leurs’ techniques de défense et apprennent même comment parer des coups de couteau.
Ils trompent les gens et par là même les mettent en danger s’ils se font agresser.
La plupart de ces plaisantins n’a jamais connu la réalité d’une véritable agression.
Ils ne savent pas comment le sang se glace lorsqu’une crapule vous sort un couteau.
J’ai vécu quatre fois cette situation et ce n’est pas avec des blocages que l’on s’en sort.
Ces gens sont très dangereux car ils mettent en danger les personnes qui croient en leur vantardise.
Ils sont la honte des arts Martiaux et des sports de combat.
 


Mais vous-même, comment en êtes vous venu à entrainer des gendarmes du GIGN ?

Oh c’est très simple, la vie est toujours une question de circonstances, de hasard. alors que j’achetais des équipements à Paris chez SEDIREP, (Qui était importateur de fournitures pour la pratique des arts Martiaux ) un capitaine de gendarmerie qui venait lui aussi acheter du matériel, est entré et est venu vers moi : « Maitre LANCINO, je suis très content de vous voir. J’ai passé ma ceinture noire à Reims et j’ai suivi certains de vos stages » C’était le Capitaine BARRIL, qui était alors le numéro 2 du GIGN, adjoint de Christian PROUTEAU.
C’est tout simplement ainsi que j’en suis venu à donner quelques cours de neutralisation aux gendarmes de cette superbe unité d’élite. 
A l’époque le GIGN n’était pas encore basé à Satory, mais à la gendarmerie de Maison Alfort.
Un jour BARRIL m’a invité au cercle des officiers de gendarmerie et m’a remis la médaille et le diplôme d’Instructeur d’honneur du GIGN. Vous voyez, c’est tout simple.
 

 
 
 Est-il vrai que vous avez en votre possession des films super8 ''historiques'' ? comme lors des 3e championnats du monde à Long beach,ou  vous avez dû arrêter de filmer pour prêter main ( ou poing) fort(e) à votre ami Dominique Valera ?
 
Oui.  J’ai même des films super 8 muets d’une quarantaine d’années dont je n’ai même pas encore ouvert les pochettes.
Concernant Long Beach, Dominique n’aime pas beaucoup qu’on lui en parle, et à juste raison car dans ses stages il ya toujours quelqu’un qui lui  parle du problème de Long Beach.  Il dit J’ai fait du Karaté, du full contact, j’ai fait une centaine de combat et tout ce que les gens ont retenu c’est le problème de Long Beach.
A Long Beach, je venais d’acheter une caméra et Dominique m’a demandé de filmer ses combats lorsque je n’arbitrai pas.  Etant en tenue officielle je pouvais approcher tous les tatamis.
Lors du fameux combat, qu’il avait largement gagné, notamment par deux balayages suivis de technique au sol, lorsque l’arbitre a déclaré son adversaire vainqueur, il s’est mangé un yoko géri bien mérité.
S’en est suivi une bagarre générale.  Je regrette de ne pas avoir eu un reflexe de cameraman. Car au lieu de continuer à filmer je suis allé dans l’arène.   Dommage.
Des grands flics américains sont arrivés et l’un ayant sorti son arme, le Président Delcourt a hurlé «  Arrêtez ils vont tirer. »  Je ne pense pas qu’ils auraient tiré mais cela a calmé tout le Monde.
 

 
 
  Quel est ce Seminary Masters auquel vous avez participé au Japon ?
 
La WUKO (World Union Karaté Organisation) avait décidé d’organiser à Tokyo un séminaire regroupant des experts Mondiaux. Chaque Pays pouvait y envoyer deux experts. La fédération française a décidé d’y envoyer mon ami CHEMAMA et moi-même.
Nous sommes donc allé à Tokyo suivre ce stage dirigé par le Maitre TAKAGI et de vieux Maitre Japonais.
A l’issue du stage, nous nous sommes vu remettre le diplôme de Maitre des mains de Maitre TAKAGI .

Merci Maitre LANCINO